Nous voilà aux jours mêmes du grand Centenaire de la Révolution, dite d’Octobre. C’est le moment de faire le bilan de la manière dont il a été traité, avec toutes ses suites, plutôt que célébré, car à la différence de ceux d’hier et de demain, c’est la critique qui domine celui-là.
Inutile de parler du traitement par les grands merdias. L’affaire était réglée là avant de commencer. Deux ans à l’avance, Télérama nous avait fourni l’analyse des 2 272 pages, formant deux volumes, de l’éminent journaliste de Libération, Thierry Wolton. Pour lui, cette révolution avait formé un État totalitaire, basé sur une idéologie qui « ne pouvait engendrer que des États criminels ». Ce qui est arrivé « était dans le fruit de l’idéologie elle-même. On peut même remonter à Marx pour aboutir aux Khmers rouges. Tirez le rideau !
Passons donc aux choses sérieuses.
Comme pour tous les centenaires, qui n’y est pas allé du sien avec plus ou moins de compétence ? Commençons par quelqu’un de sérieux, qui a lu presque tous les autres : Serge Halimi du Monde diplomatique, sous le titre « Le siècle de Lénine », que rien ne justifie.
Dans le « chapeau », c’est : « une révolution sociale qu’accompagna avec radicalité le parti bolchevique ». Non ! Le Parti bolchevique n’accompagna pas la révolution populaire, alors sans perspectives. Lénine la dirigea, dès son arrivée en Russie en avril 1917, et dès le mois suivant, en liaison avec Trotsky, dont il avait adopté la conception théorique qu’il fallait la mener à la révolution prolétarienne. (Ici, une remarque : Trotsky est porté absent dans la plupart de l’histoire de ce centenaire, alors que c’est ensemble qu’ils la menèrent à bien.).
Suit la mention de « démarche autoritaire », alors qu’il n’y eu pas de direction plus démocratique que celle du Parti bolchevique. Une preuve entre beaucoup d’autres, sans doute la plus grave : les deux membres de la direction, Zinoviev et Kamenev, s’opposèrent à la prise du pouvoir, et ne furent pas exclus !
Puis, mêlant toutes les époques dans le même §, voilà l’aggravation du régime autoritaire par le communisme de guerre, sans qu’on sache ce qu’est cette guerre qui l’exige, et le chapeau se termine en posant la question de savoir si : « la faillite du modèle soviétique remet en cause l’internationalisme ? » Quelle faillite ? Voyons l’article.
1er § - L’URSS ? Pas un territoire ! Si ! Au départ. Extensible Oui, par la révolution. Mais bientôt enfermé par des frontières, qui vont se réduire, avant de s’étendre et de fixer, à la fin d’une épouvantable guerre de quatre ans, du monde entier contre elle.
2e et 3e § - L’Internationalisme. Lénine (en oubliant toujours Trotsky, et ici tous les bolcheviques, sauf Staline et ses pareils), furent les seuls vrais internationalistes (comme 1914 le montra) de la IIe Internationale, à quelques exceptions près, comme Marx et Engels, les fondateurs de la Ière Internationale, ainsi que d’innombrables militants marxistes de nombreux pays l’avaient été. Certes leur lutte s’inspirait de celle des Jacobins, mais en sachant que la Révolution française avait été une révolution bourgeoise, donc nationale, tandis que celle vers laquelle ils marchaient serait une révolution prolétarienne. Halimi reconnaît d’ailleurs que cet internationalismes s’exerça dès la prise du pouvoir, par l’appel à la paix dans le monde, puis dans la tentative d’étendre leur révolution, puis en aidant toutes celles qui apparurent à la fin de la Guerre mondiale, en commençant par celle de l’Allemagne.
5e § - Ce qui apparaît comme un paradoxe à Halimi (et à des millions d’individus, et combien de prétendus historiens ?), à savoir l’instauration d’un « État prolétarien » dans un pays où ce prolétariat comptait 3% de la population, c’est ignorer ce que Marx avait pensé de cette possible révolution, et ce que Trotsky (dont Lénine avait adopté les conceptions) avait tiré de la leçon du Marx de 1848, sous le nom de « révolution permanente », à savoir ne plus s’arrêter au stade de la révolution bourgeoise, sous peine d’échec, et passer directement à la révolution prolétarienne. Cette leçon ignorée fut d’abord la cause des oppositions à la prise du pouvoir, et plus tard refusée par le nationalisme de Staline, avec son idéologie du « socialisme ans un seul pays ».
Sautons le 6e § qui ne traite plus de l’URSS, et le 7e sur cette guerre de quatre ans, dont il ne retient que la fin dans le désastre, sans mentionner sa victoire prodigieuse, sous la direction de Trotsky, à partir d’un encerclement sur un front de 8000 km,
Le reste de l’article abandonne l’histoire. Halimi ignore le stalinisme, et adopte sans le dire l’unité d’un monde soviétique, avec des hauts des bas, qui finit par s’effondrer (c’est là la faillite !), sans qu’on sache pourquoi, pour donner place à notre monde, celui de Davos, dont Perry Anderson, dit qu’il est maintenant sans opposition.
Il nous faut chercher maintenant des critiques un peu plus spécialisés.
26/10/2017
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